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Un Homme qui dort (2012)

Théâtre de la Demeure


Date et lieu de création : 3 mai 2012 - Le Trident, Scène nationale de Cherbourg-Octeville



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Un Homme qui dort de Georges Perec est le premier spectacle créé par le Théâtre de la Demeure, fondé en 2010 par Alexandra Rübner. La jeune metteure en scène, dont le travail est marqué par la forme théâtrale baroque, se confronte aujourd’hui à une écriture scénique résolument contemporaine. Alexandra Rübner affirme sa voix et trace, au cœur de la rhétorique de Georges Perec, les règles du jeu poétiques de son univers.

La scène est une chambre de bonne parisienne meublée, aujourd’hui. « Le soleil tape sur les tôles du toit. » Dans la chambre, stagne sur une banquette, à côté d’une « bassine en matière plastique rose », où flottent «trois paires de chaussettes » et d’un « bol de Nescafé à moitié vide », un étudiant en licence de sociologie. On ne sait pas son nom : il est pour toujours cette voix hypnotique et anonyme qui s’énonce, et qui se parle à soi-même à la deuxième personne, il est toujours « tu ».
Un jour, tout simplement, il ne se lève pas : « le jour de ton examen arrive et tu ne te lèves pas. Ce n’est pas un geste prémédité, ce n’est pas un geste, d’ailleurs, mais une absence de geste ». Dans cette torpeur de l’âme, il va faire l’expérience radicale de l’absence au monde et à soi, de la totale désaffection, de l’égalité de toutes choses, de la mort intérieure par indifférence absolue.

Accumulations d’absences, notations purement factuelles, descriptions des déambulations dans la ville d’un absurde piéton, énumérations systématiques qui n’ont d’autre but que de dire l’inanité de tout, mots croisés du vide : c’est l’enregistrement clinique d’une disparition que Perec met en œuvre, la disparition du moi, la descente au tombeau. On sait l’inclination du style perécien au jeu littéraire, à la contrainte formelle : ici ils sont mis au service d’une prise de conscience tragique. Mais le tragique a lieu sans états d’âme, sans commentaire, sans tragédie. (...)

Vers la mise en scène d’Un Homme qui dort : espèces d’espaces...

D’abord il y a la chambre. « Ta chambre est le centre du monde ». Dans la chambre il y a un homme couché. Sur une banquette,«  trop étroite ». Le réalisme, et même l’hyperréalisme est ici un élément dramaturgique indispensable. Il faut la « bassine en matière plastique rose  », il faut « l’étagère en contreplaqué blanc », il faut « le linoléum », il faut « le bol de Nescafé à moitié vide », il faut le «  paquet de sucre tirant sur sa fin ». C’est l’image première. Il faut aussi la chaleur accablante de l’été parisien, dans une mansarde sous les combles. Puis, au fil de l’errance de l’Homme qui dort, errance souvent nocturne, la chambre (...) devient la ville, parce que l’Homme qui dort y transporte sa chambre intérieure, le noyau dur de sa solitude, et parce qu’en retour la ville est une cité cauchemar, comme contaminée par le prisme oppressant de la chambre.

Dans un second temps, il y a les à côtés de la chambre : « la goutte d’eau qui perle au robinet du palier ». Là encore, le son créera l’espace : la goutte d’eau à l’extérieur de la chambre, dont la chute obsédante marque un temps qui ne passe plus. Puis à côté de la chambre, il y a la chambre du Voisin. Le Voisin est pour moi un personnage à part entière, joué par un comédien. Bien que dans le livre de Perec, on ne le voie jamais. (...) De sorte que l’on peut lire en quelques sortes le rôle du Voisin, comme celui d’un clown mélancolique, empêtré dans la prolifération des Choses, et tentant avec une patience poignante, d’y instaurer un ordre. Comme chez Kafka, chez Perec, le tragique et le comique utilisent les mêmes ressorts, et cohabitent dans une étroite frontière. Plus qu’un personnage, le Voisin est une présence, un symbole : c’est l’homme des Choses, l’homme du Réel, entrevu à la fois dans sa fascinante, ludique bigarrure, et dans sa pathétique absurdité.

Enfin, il y a le monde. Le monde, c’est à dire toutes les autres chambres. Il y a l’advenue du monde autour de la chambre. (...) De sorte que l’on a bientôt l’impression que le mur du lointain représente la coupe transversale d’un immeuble urbain, où l’on peut voir se dérouler un fragment de l’existence de ses habitants : La Vie mode d’emploi, en somme. Dans cette perspective, toute l’histoire de l’Homme qui dort, à laquelle nous venons d’assister depuis le début de la représentation, se lit tout à coup comme une histoire parmi une infnité d’autres, qui se vivent simultanément, et dont il ignore tout. Oui, l’histoire de l’Homme qui dort se lit alors, comme celle d’une connaissance de la mort au cœur même, palpitant, de la vie. Cette lecture qui s’instaure peu à peu, à mesure que monte cette crue de la musique et des images, nous remplit encore, j’aime à l’imaginer, de cette joie qui grandit confusément. Cette étrange joie qui naît du sentiment que l’expérience de la mort intérieure est une étape nécessaire dans l’affirmation du vivant, et qu’il est assurément nécessaire de connaître le tombeau de la chambre étroite, «  ce galetas en soupente », pour construire, immense, infini, l’arbre de vie.

Alexandra Rübner,
Note d’intention,  février 2011 [extraits]

Alexandra Rübner

Comédienne, chanteuse et metteur en scène, Alexandra Rübner est née à Varsovie en 1977. Elle fonde en 2010 la compagnie Théâtre de la Demeure, basée à Arques-la-Bataille (Haute-Normandie). Après un parcours initié au cœur de l’univers baroque, avec notamment les mises en scène de Contes du Temps Passé d’après Perrault en  2009 et de Athalie de Racine avec la musique de Jean-Baptiste Moreau en 2011, elle se donne aujourd’hui pour ambition d’ouvrir sa recherche vers une esthétique et des écritures contemporaines. Elle prépare un triptyque, Melancholia, au sein duquel figure Le Buveur d’Ether de Jean Lorrain dont on a pu voir l’esquisse à Cherbourg en 2008. Le volet majeur de ce projet, Un homme qui dort de Georges Perec, sera créé au Trident en mai 2012.

 « Il y eut ces journées creuses, la chaleur dans ta chambre, comme dans une chaudière, comme dans une fournaise, et les six chaussettes, requins mous, baleines endormies, dans la cuvette de matière plastique rose. Ce réveil qui n’a pas sonné, qui ne sonne pas, qui ne sonnera pas à l’heure de ton réveil. Tu poses le livre ouvert à côté de toi, sur la banquette. Tu t’étends. Tout est lourdeur, bourdonnement, torpeur. Tu te laisses glisser. Tu plonges dans le sommeil. »
Un homme qui dort, extrait


L'équipe

Auteur/e : Georges Perec
Mise en scène : Alexandra Rübner
Distribution : Avec Arandel, Anthony Le Foll, Alexandra Rübner
Décors / scénographie : Héloïse Labrande, Valérie Lesort et Thomas Roquier
Création lumières : Eric Corlay
Création vidéo : Arthur Michel
Composition musicale : Arandel
Autre(s) collaboration(s) artistique(s) : Paul Dudouet, Régie Générale

Contacts

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